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Les fièvres typhoïde et paratyphoïdes sont causées par Salmonella enterica de sérotypes Typhi, Paratyphi A et certaines souches de sérotype Paratyphi B et Paratyphi C (parmi les plus de 2 000 sérotypes connus de Salmonella enterica). Ces souches sont strictement adaptées à l’homme (seul hôte connu) (cf INRS et Wikipedia). Les symptômes des fièvres typhoïdes sont similaires quelque soit le sérotype en cause, mais souvent moins sévères avec para B et para C.
Clinique, rappel schématique :
après une période d’incubation de une à deux semaines (48 heures après la contamination survient souvent une diarrhée transitoire... mais souvent oubliée).
la 1° semaine (phase d’invasion) associe :
- une fièvre d’installation progressive sur 7 jours,
- des maux de tête frontaux, fixes, insomniants,
- des épistaxis,
- un pouls dissocié (pouls lent avec fièvre élevée) ;
Chez l’enfant l’installation peut se faire en 2 jours, il peut y avoir des vomissements et une hyperleucocytose.
la 2° semaines (phase d’état) associe :
- une prostration (tuphos),
- une diarrhée, fétide, souvent "jus de melon",
- des taches cutanées lenticulaires,
- une splénomégalie franche,
- souvent une matité de la base pulmonaire droite,
- le pouls reste dissocié ;
.
les 3° et 4° semaines sont classiquement celles des complications :
- l’état est inchangé en l’absence de complications,
- une accélération du pouls est un très fort signe de complications : hémorragies et perforations digestives, myocardite, encéphalite.
L’état clinique s’améliore ensuite progressivement en quelques semaines.
Le pronostic :
traitement adéquat : mortalité de 1 %,
traitement absent ou inadapté : mortalité de 10 à 25 %.
Diagnostic biologique :
L’hémoculture est le seul moyen d’affirmer le diagnostic d’une fièvre typhoïde pendant les 2 premières semaines.
Comme il y a peu de Salmonella dans le courant sanguin, les hémocultures doivent être répétées.
Pour certains auteurs elles sont positives (bien sur avant antibiothérapie) :
dans 90 % des cas durant la première semaine,
dans 75 % des cas durant la deuxième semaine,
dans 40 % des cas durant la troisième semaine,
dans 10 % des cas durant la quatrième semaine.
Pour d’autres auteurs elles ne sont positives que dans la moitié des cas (ces différences peuvent être liées à la qualité des hémocultures : moment du prélèvement, quantité de sang prélevé).
La coproculture se positive à partir de la 2° semaine.
Le sérodiagnostic de Widal-Félix ne doit pas être utilisé pour faire le diagnostic [1] (voir discussion ci-dessous).
Signes biologiques indirects
Ils sont très précieux lorsqu’on ne peut pas pratiquer d’hémocultures.
Leuco-neutropénie souvent profonde alors qu’on attend très souvent une hyperleucocytose lors d’une septicémie. Elle est quasi constante (sauf chez l’enfant) c’est donc un signe sensible. Elle est spécifique même si on peut la rencontrer aussi dans quelques septicémies à bacille Gram négatif. Heureusement, ces septicémies seront souvent sensibles au même traitement que la typhoïde.
La vitesse de sédimentation (VS) est peu élevée alors qu’on attend une VS très élevée lors d’une septicémie.
Sérodiagnostic de Widal et Félix (W-F)
Même s’il permet en théorie de détecter la présence dans le sang d’anticorps dirigés contre les constituants des Salmonella, il ne doit pas être utilisée pour poser (ou éliminer) le diagnostic de fièvre typhoïde ! car :
il ne se positive tardivement :
pour les anticorps (Ac) anti O qu’après le 7°- 8° jour donc il n’a pas de valeur prédictive positive pendant la phase d’invasion. Ils atteignent un taux maximum d’environ 1/200 – 1/400, parfois 1/1 600 ;
- les Ac anti H se positivent encore plus tard : 10° – 12° jour de l’invasion ;
il a de nombreux faux négatifs, sans qu’on en connaisse les raisons,
il a de nombreux faux positifs (cirrhoses de divers étiologies, entre autre) même s’il est bien réalisé [2],
un traitement antibiotique précoce peut inhiber l’apparition des Ac,
les Ac persistent naturellement après la guérison, quel qu’ait été le traitement, plusieurs mois pour les anti O et plusieurs années pour les anti H,
on ne connait pas la sérologie des personnes saines dans les pays où les S. Typhi et Paratyphi circulent très abondamment. Il est pourtant très probable que des sujets rencontrant plusieurs fois par an la bactérie (et d’autres sérotypes de Salmonella ayant des antigènes communs avec ceux des sérotypes typhoïdiques) ont des anticorps positifs en l’absence de toute maladie... ce qui pourrait d’ailleurs, leur assurer une certaine protection,
toute infection due à une Salmonella ayant un Ag O et H commun avec Typhi ou Paratyphi (mais n’étant pas du-tout une typhoïde et ne nécessitant souvent aucun traitement) pourra faire apparaitre des Ac détectés par le sérodiagnostic de Widal.
Son seul intérêt éventuel est pour des études épidémiologiques (après guérison).
L’argument habituel "c’est un test pas cher" est stupide : prescrire un test "pas cher" mais qui produit une erreur diagnostic, est de toute façon trop cher !
Plus personne n’utilise, depuis des dizaines d’années, ce test pour le diagnostic sauf dans de nombreux pays Africains.
Références :
Ouvrage collaboratif e-Pilly.