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Introduction
Les fièvres récurrentes africaines ou "à tiques" sont dues à des Borrelia. On les rencontre en Afrique tropicale mais aussi en Afrique du Nord et jusqu’en Turquie [1] :
Borrelia crocidurae en Afrique de l’Ouest, zone saharienne et sahélienne, Afrique du Nord, Turquie.
Borrelia duttonii plutôt en Afrique de l’Est, partie nord de la zone subéquatoriale, Madagascar,
Les vecteurs de ces Borrelia sont des tiques molles du genre Ornithodoros. Pour B. crocidurae, le vecteur connu est la tique Ornithodoros sonrai, qui vit en contact étroit avec les petits rongeurs sauvages dont elle colonise les terriers.
Toutes les borrélioses sont des zoonoses, l’homme n’étant qu’un hôte accidentel sauf pour Borrelia duttonii qui ne touche que l’homme.
Epidémiologie
Ces fièvres récurrentes sont beaucoup plus fréquentes qu’on ne le croyait : elle serait l’étiologie de 11 % des fièvres d’allure palustre !
Elles touchent surtout les populations rurales car plus exposées aux morsures de tiques.
Physiopathogénie
Les borrélioses sont des infections du sang [2] mais, depuis le sang, elles peuvent toucher d’autres organes : système nerveux central, yeux, foie.
Leur temps de multiplication dans le sang est de 6 à 12 heures jusqu’à atteindre 105 à 107 bactéries/ml pendant les accès fébriles [1]. Ce nombre retombe probablement très bas entre les accès car les mécanismes de défense éliminent les bactéries.
"Les récurrences fébriles caractéristiques des infections par les Borrelia sont provoquées par l’apparition dans le sang du patient de variants antigéniques échappant à l’action des anticorps dirigés contre les bactéries à l’origine du premier accès fébrile." [1]
Clinique
C’est un accès fébrile brutal pouvant atteindre 40 à 41°C, accompagné de frissons, céphalées, d’asthénie, algies diverses. La fièvre dure trois à quatre jours, retombe brutalement, puis, classiquement, de nouveaux accès (jusqu’à 9) surviennent. Les troubles digestifs sont fréquents. Il peut y avoir, rarement, des atteintes oculaires et cérébrales.
Le tableau est très facilement confondu avec un accès palustre !
Diagnostic biologique
Si, lors des accès fébriles, il y a 105 à 107 bactéries/ml, soit 100 000 à 10 000 000 par ml et que l’on examine une goutte de 20 µ (1 ml = 1 000 µl), il y en aura entre 100 000 et 10 000 000 / 1000 x 20 sur une lame soit 2 000 à 200 000.
Hors de ces accès leur nombre redevient très bas.
Il est donc essentiel de prélever le sang pendant un accès et seulement à ce moment : tout prélèvement non effectué à ce moment doit être refusé par le technicien [3].
En pratique, 1° possibilité :
prélever au moins une goutte de sang lors d’un accès fébrile [4]. Le sang capillaire semble convenir ;
déposer la goutte sur une lame en l’étalant peu pour avoir une faible surface à examiner,
colorer au MGG ou Giemsa ou Gram [5]. Attention : la forme spiralée régulière est souvent altérée par la coloration sur lame : la Borrelia apparaissant alors comme un long fil sinueux et non plus finement spiralé. Déployées, elles sont longue : 10 à 15 microns (2 à 3 diamètre d’hématie) ;
examiner la lame en cherchant de fines bactéries spiralées ou au moins flexueuses. Attention : ces bactéries sont fines, peu colorées, donc parfois difficiles à repérer ;
examiner toute la surface du dépôt avant de répondre "Absence de Borrelia".
Il devrait aussi être possible de faire un examen entre lame et lamelle au microscope à fond noir ou au contraste de phase au x 100, comme pour rechercher Treponema pallidum, si on en dispose. Leur spirilles sont respectés (voir photoPhoto [6], avec cette technique, de B. burgdorferi, très semblable) et si l’examen est rapidement fait elles peuvent être mobiles ce qui facilité beaucoup leur repérage.
Nous n’en avons pas vu de publication.
En pratique, 2° possibilité (que nous conseillons si on en a les moyens) :
Comme il n’est jamais certain qu’on aura les très fortes concentrations de Borrelia de l’accès fébrile, il a été proposé de prélever du sang dans un tube capillaire hépariné, de centrifuger, de couper ce tube (attention à ne pas oublier vos lunettes !) 2 à 3 mm au-dessus du niveau de sédimentation des globules blancs (buffy coat) [7], de déposer ce plasma surmontant immédiatement le buffy coat sur une lame, de l’étaler puis de colorer et examiner classiquement.
Cette technique concentre fortement les Borrelia et augmente la sensibilité de l’examen.
En pratique, 3° possibilité :
Si on dispose d’un microscope à fluorescence il est possible de colorer avec de l’orangé d’acridine [8] puis d’examiner en fluorescence. Cette coloration donne des images qui "sautent aux yeux" rendant la détection facile et augmentant encore la sensibilité.
En pratique, 4° possibilité... la meilleure :
Si on dispose à la fois d’une centrifugeuse à micro-hématocrite, d’un microscope à fluorescence et de micro-tubes pour QBC [9], on prélèvera dans ce micro-tube, on centrifugera et on examinera en fluorescence, directement dans le tube, la zone immédiatement au-dessus du buffy coat.
Cette technique concentre fortement les Borrelia et augmente jusqu’à 100 fois la sensibilité de la recherche [10].
- Spirochètes colorés à l’acridine orange dans un QBC de sang. Grossissement x 500. Voir note ci-dessous. (Cliquer pour agrandir).
Remerciements image [11]
Cet examen est un peu difficile et nécessite un entrainement mais il donne les meilleurs concentration et coloration... et permet à la fois le diagnostic de paludisme et de borréliose.
Traitement
Antibiotiques actifs : chloramphénicol / thiamphénicol, tétracyclines, érythromycine, pénicilline.
Les Borrelia sont résistantes à la rifampicine, au métronidazole et aux sulfamides et peu sensibles aux quinolones et aux aminosides.
Les traitements classiques :
à la tétracycline : 500 mg per-os chez l’adulte et 12,5 mg/kg chez l’enfant de plus de huit ans, toutes les six heures, pendant 5 à 10 jours.
à la doxycycline : 100 mg per-os chez l’adulte deux fois par jour et 4 mg/kg en une seule prise chez l’enfant de plus de huit ans, pendant 5 à 10 jours.
si atteintes neurologiques : 12 à 30 millions d’UI par jour de pénicilline G ou 2 g/j de ceftriaxone parentérale, pendant 10 à 14 jours.
Il y a un risque important de réaction de Jarish-Herxheimer en début de traitement : voir e-Pilly TROP [1].
Sans aucune certitude, il pourrait être prévenu par une augmentation progressive des doses d’antibiotiques associée à des corticostéroïdes (type 30 mg prednisolone) débutés avant l’antibiothérapie.